Marie-Françoise Perret, chargée de mission culture et patrimoine au Parc Naturel Régional (PNR) des Monts d’Ardèche et Flore Vigné, doctorante en Géographie sur les questions de patrimoine industriel, reviennent sur le montage du dossier Cifre et la réalité de la thèse.
Comment est venue l’idée de faire une thèse sur le patrimoine industriel ?
Flore Vigné : J’ai d’abord travaillé 3 ans dans une fédération régionale d’associations patrimoniales pour laquelle j’animais des commissions thématiques dont l’une d’entre elles portait sur le patrimoine industriel. C’était un sujet qui m’intéressait et que j’avais déjà abordé par un stage de Master 1… au PNR des Monts d’Ardèche. C’est petit à petit que le projet de thèse a mûri. En fait, c’est une amie qui montait un dossier Cifre qui m’a expliqué ce que c’était et ça m’a donné envie.
Vous avez démarché plusieurs organismes avant d’être accueillie par le PNR des Monts d’Ardèche
Flore Vigné : J’ai d’abord contacté le Département parce que ça me paraissait la bonne échelle d’étude pour avoir une diversité de territoires industriels, notamment le long de la vallée du Rhône. Si les agents étaient d’accord, il a finalement été jugé que la recherche sur ces questions ne faisait pas partie des compétences du Département.
Marie-Françoise Perret : Ensuite Flore a démarché le PNR parce qu’elle savait, grâce au stage qu’elle avait fait chez nous, qu’il y avait une mesure spécifique sur le patrimoine industriel dans la charte du parc. Et finalement, le Département participe à financer sa thèse.
Comment avez-vous trouvé des moyens de co-financement à la Cifre ?
Marie-Françoise Perret : C’est une question qui s’est posée très rapidement car nous n’avons pas de fonds propres au PNR. Nous pouvions donc accueillir Flore mais pas la financer. Nous avons donc dû multiplier les démarches.
Nous avons d’abord réuni les associations patrimoniales et les communautés de communes du territoire, ce qui n’a pas débouché sur un financement mais a permis de mettre en valeur un véritable intérêt pour le sujet.
J’ai ensuite démarché la responsable du programme européen Leader que porte le PNR. La réponse était d’abord négative : ce programme Leader ne permet pas de financer une thèse. Finalement, en passant par la porte non pas de la recherche mais de l’urbanisme et de la reconversion du patrimoine, ça a fonctionné.
Enfin, le Département participe également à la thèse, via une ligne budgétaire « Tiers lieux, Université, Territoire » dans le projet Ardèche, Jeunesse, Innovation, Ruralité (AJIR) et par une subvention qui nous permet de faire de l’animation locale avec les habitants.
Néanmoins, ces co-financements ne viennent pas sans obligation. Pour le programme Leader par exemple, Flore doit produire des outils d’aide à la décision des élus en parallèle de sa thèse. Ils ne viennent pas sans difficulté non plus. Par exemple, au début de la thèse, il y a eu un décalage entre le financement européen qui débutait en janvier et la réponse pour la Cifre qui a été rendue en avril. Il s’est passé un an entre l’accord de principe pour accueillir Flore au PNR, donné par notre Présidente qui est très attachée aux coopérations avec la recherche, et son arrivée effective.
A quoi ressemble le quotidien d'une doctorante Cifre dans un PNR ?
Flore Vigné : D’un point de vue pratique, j’ai un bureau au PNR et un bureau dans l’antenne ardéchoise du laboratoire de Grenoble, à laquelle mon directeur de thèse est rattaché. Je ne vais que ponctuellement rejoindre l’équipe du laboratoire à Grenoble et je fais aussi du télétravail car les déplacements prennent du temps en Ardèche.
Mon travail de doctorat se fait en plusieurs étapes, qui se superposent parfois. J’ai commencé par un recensement des sites industriels reconvertis en Ardèche, c’est-à-dire par créer une base de données qui n’existait pas, qui localise les sites et décrit leur histoire et l’utilisation actuelle qui en est faite. Une deuxième partie du travail consiste en des études de cas de réhabilitations innovantes (habitat participatif, entreprise libérée, espace de co-working, café artistique, …). C’est une de mes hypothèses de recherche que les reconversions du patrimoine industriel en Ardèche tendent à faire émerger des acteurs ou collectifs qui portent des projets innovants. Une troisième partie est dédiée aux outils d’aide à la décision pour les communes. Comment est-ce que je transmets ces données recueillies aux communes et aux intercommunalités pour qu’elles servent leurs projets d’aménagement et de développement culturel ? Pour moi, la recherche-action c’est une manière saine de faire de la recherche en géographie. C’est une hygiène de thèse.
Avez-vous déjà une idée de ce que vous voulez faire après votre thèse ?
Flore Vigné : Pour le moment, il s’agit de terminer la thèse. La soutenance en 3 ans n’est pas envisageable en sciences humaines et sociales. Je pense pouvoir la terminer en 3 ans et 8 mois et j’ai la chance que le PNR souhaite m’accompagner en me proposant un mi-temps sur un an.
Marie-Françoise Perret : On n’avait pas mesuré au départ combien le fait qu’elle fasse sa recherche au PNR ralentirait le travail d’écriture de la thèse. Elle a eu envie de s’impliquer dans la vie de l’organisation et c’est normal.
Flore Vigné : Si on veut profiter d’être en activité pendant sa thèse, ça prend du temps. Dans un monde parfait, après la thèse, j’aimerais pouvoir approfondir cet entre-deux, entre la recherche et l’action, qui peut être inconfortable mais aussi d’une extrême richesse.