La thèse de Clément Marinos a été co-financée par la Région Bretagne et 3 agences de développement économique (Quimper, Lorient et Vannes). Ces associations de loi 1901 créées à l'initiative des collectivités territoriales ont pour rôle de développer les entreprises et l'économie de leurs territoires. Clément Marinos a soutenu sa thèse en 2015 en aménagement de l'espace, il est désormais maître de conférences en économie à l'Université Bretagne Sud et membre du laboratoire LEGO (EA 2652). Il revient dans cette interview sur les origines de ce co-financement et sur les suites de sa thèse, pour lui et le territoire qu'il a étudié et sur lequel il continue de travailler.
Votre thèse a été financée par 4 acteurs différents. Comment ce partenariat s'est-il mis en place ?
Un professeur d'université en géographie, Guy Baudelle, est venu donner une conférence à Lorient sur la place des villes moyennes dans le processus de métropolisation. Le directeur de l'agence de développement économique qui était dans la salle trouvait que le sujet était particulièrement intéressant pour une ville comme Lorient. C'est comme ça que le projet de thèse est né, avec Guy Baudelle en directeur de thèse. Le travail interroge la place des réseaux locaux d'entreprises dans le modèle de développement des villes moyennes et s’inscrit contre l’idée que la seule chance de succès économique, c'est la métropole.
Concernant le financement, l'agence de développement économique de Lorient n'avait pas les moyens d'engager seule un doctorant. Quand cette thèse a débuté en 2012, le dispositif Cifre n’était pas très connu des collectivités et les associations (ndlr : depuis 2006). La Région avait un système d'allocation de recherche doctorale (ARED) qui permettait de couvrir la moitié du coût de la thèse. Mais même avec ce soutien, difficile pour l'agence de développement économique de Lorient d'abonder seule le reste-à-charge. Elle s'est donc naturellement tournée vers les agences voisines de Quimper et Vannes, territoires qui rencontraient les mêmes problématiques et questionnements. Cela a permis d’initier une coopération inédite entre les agences.
Qu'en ont retiré les territoires concernés ?
La thèse a été un moyen d'établir des relations entre les 3 agences qui n'avaient étonnamment pas grand-chose à se dire de prime abord. Mais avec des rencontres trimestrielles autour du projet doctoral, elles se sont progressivement trouvées des points communs et des dynamiques de coopération sont nées. Cette échelle de territoire, la Bretagne sud, n'avait pas d’existence formelle avant ma thèse. Ce n’est sans doute pas ma thèse seule qui l'a faite émerger mais elle a certainement participé à sa structuration. Aujourd'hui par exemple, il y a la French Tech Bretagne Sud et des actions du type https://www.jobconjoints.bzh/ car c'était une problématique commune pour ces collectivités. Cela a permis aussi de matérialiser l'existence de ce territoire avec par exemple ma participation à la réalisation d'un atlas produit à cette échelle.
Vous avez pu partir à l'étranger pendant votre thèse. Quel intérêt cela a eu pour vous et pour le territoire ?
Avec le soutien des agences de développement économique, j'ai eu la chance de participer à un programme européen de l'Alliance Arc Atlantique dans lequel elles étaient parties prenantes (Brest Know cities). J'ai ainsi pu être impliqué dans plusieurs évènements et conférences de recherche-action en Espagne et au Pays de Galles.
Et puis par l'université, avec une bourse de mobilité de la Région Bretagne, j'ai pu partir 3 mois en Nouvelle-Ecosse au Canada. J'étais intégré dans un groupe de recherche canadien anglophone, j'ai participé à la vie de ce labo et j'en ai d’ailleurs tiré la publication de mon premier article de recherche, ça m'a mis le pied à l'étrier. Pour les collectivités en France, c'était génial d'avoir un retour d'expérience sur la façon dont on fait du développement économique ailleurs, dans un territoire de taille comparable, précisément Halifax, une ville moyenne. J'ai même eu l’occasion d’en rendre compte au maire de Lorient.
Vous êtes aujourd'hui maître de conférences à l'Université Bretagne sud, est-ce un poste que vous visiez déjà en rentrant en thèse ?
Pendant ma thèse, j'avais bien conscience des contraintes du recrutement universitaire, tout en me disant que c'était quand même possible. Je publiais des articles, je participais à des conférences, je nouais des relations avec un réseau de pairs. J'ai donné des cours pendant ma thèse, ce qui m'a permis de garder un pied dans l'université, réellement, de manière physique, j'étais à l'université. Ça m'a beaucoup servi dans le recrutement post-thèse en tant qu'ATER : j’avais acquis une certaine légitimité vis-à-vis de l’institution universitaire. Le réseau, je l'ai aussi construit progressivement et je continue à l'entretenir avec les acteurs locaux. Cette proximité que j'ai développé pendant ma thèse me sert encore aujourd'hui. En termes de réseau mais aussi parce que je connais les codes. C'est extrêmement utile pour la recherche partenariale.
Ce travail sur le développement économique des villes moyennes pourrait-il faire l'objet d'une autre thèse en collectivité ?
Je reprendrai les propos d'Olivier Bouba Olga qui a présidé mon jury de thèse : en matière de développement local, il faut éviter le mimétisme, il n’y a pas de recettes toutes faites. Il ne faut pas copier le voisin. Chaque territoire doit savoir identifier ses propres problématiques et les actions qui vont avec. Alors, pourquoi ne pas mobiliser un doctorant qui aura le temps de recherche pour développer une expertise et la partager. C'est une belle opportunité pour un territoire de faire du “sur-mesure”, de ne pas calquer des choses toutes faites, sans bien sûr s'empêcher de s'inspirer les uns des autres.
En savoir plus sur la thèse de Clément Marinos : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=118