Maxime Pailler, chargé de projet, doctorant CIFRE à la communauté de communes de Loudéac et formateur au CFA de Merdrignac revient sur son parcours et sur les enjeux de la réalisation d’une thèse CIFRE en milieu rural.
De la conception paysagère au monde académique…
Paysagiste-concepteur de formation et diplômé de l’ENSAP Bordeaux, Maxime poursuit sa carrière professionnelle dans des bureaux d’études. Du territoire à la parcelle, il s’y forme à la dimension complexe de l’aménagement paysager et côtoie les différents métiers de la maîtrise d’ouvrage à la maîtrise d’œuvre. Après 8 ans d'expériences professionnelles cumulées dans différents contextes géographiques (en tant que chargé de projet au sein d’agences reconnues telles que Traverses, Zephyr Paysages ou encore Liap), il décide d’investir des activités de transmission en Bretagne. Il fait le choix de devenir formateur en aménagement paysager au Centre de Formation par Apprentissage (CFA) de Merdrignac. Il aime y travailler pour mettre en lien les apprentis et les entreprises du territoire. Se tisse alors un réseau d’acteurs qui s’intéressent très vite à son projet de thèse qu’il évoque dès son entretien d’embauche au CFA. En parallèle, il rencontre Nadia Sbiti et Lionel Prigent. Ces chercheurs interrogent depuis longtemps les enjeux de la recherche proposés par Maxime. Ils lui apportent les éléments académiques, scientifiques et l’ingénierie nécessaires pour formaliser et défendre le projet de recherche.
Les apprenti·es du CFA de Merdrignac en situation professionnelle à l'éco-hôtel de la Gréé des Landes (gauche) à Gacilly (56) et à l'École d'Architecture de Rennes (droite) © Photo : M.Pailler
Élaborer le projet de thèse : un processus multi-acteurs sur le long terme
Son projet de thèse, il l’a en tête depuis son année de spécialisation réalisée à Grenade en Espagne. Il étudie dans le cadre de son projet de fin d’études les liens entre récits touristiques et attractivité des territoires en Andalousie :
J’ai déjà dans ce contexte travaillé sur la notion de récit et en quoi il peut dicter l’offre de territoire. C’est une façon pour les territoires de se forger une légitimité. On crée une scène, puis on oublie l’arrière-scène. On peut alors se poser la question de qui choisit et façonne l’identité d’un territoire. Les citoyen·nes sont-ils dépossédé·es de cette habilité à mettre en récit leur territoire ?
C’est de ces réflexions qu’il part pour élaborer son sujet de thèse sur le rôle d’une conception partagée du paysage dans une optique de marketing territorial de proximité. Renforcé par les rencontres qu’il fait en Bretagne et après discussions avec différents acteurs de la conception paysagère locale, il se lance dans l’aventure. Non sans quelques péripéties : lors du dépôt de son projet sur la plateforme de l’ANRT, le Centre de Formation par Apprentissage n’est pas éligible au dispositif CIFRE ! Il peut cependant compter sur le soutien des élus locaux et de la direction du CFA qui l’appuie auprès de l’intercommunalité. Il intègre ainsi les services de l’intercommunalité pour réaliser sa thèse début 2022 après 1 an d’élaboration du projet. Cette année a été mise à profit pour enclencher les réseaux, les terrains et les lectures nécessaires à l’optimisation des trois années de doctorat. Le conseil de Maxime : ne pas avoir peur des rebondissements et faire preuve d’endurance !
Quotidien(s) d’un doctorant CIFRE
Maxime bénéficie des apports de deux laboratoires, situés en Bretagne : le laboratoire Géoarchitecture (EA 2219) et le laboratoire Grief (EA 7465). Grâce aux ressources mises à disposition des chercheurs par l'École doctorale Société Temps et Territoire, au sein de l'Université de Bretagne Occidentale, Maxime bénéficie d'un encadrement de qualité. Celui-ci est codirigé, puisque Maxime est sous l'autorité académique de deux chercheurs : Lionel Prigent (professeur, urbaniste et économiste) et Nadia Sbiti (docteur en géographie et aménagement urbain, Architecte DPLG). Ces derniers permettent de construire une recherche nécessairement transversale, entre urbanisme, architecture et paysage.
Au sein de la collectivité, il entretient de bonnes relations avec les services. Cette complicité et le soutien du président de l’intercommunalité lui ont été essentiels. Mais la triple casquette (doctorant, chargé d’ingénierie et formateur) nécessite un travail introspectif constant :
Il ne faut pas donner l’impression qu’on prend la place de quelqu’un. Il faut faire comprendre aux acteurs qu’une thèse n’est pas là pour leur enlever des compétences.
Un chercheur doit rendre des comptes à son directeur de thèse et à la structure qui l’emploie : c’est bien la spécificité de la CIFRE. Maxime se considère comme un traducteur qui doit faire preuve d’observation, d’écoute et d’humilité. Cette logique d’observation active lui permet aussi d’être flexible, comme un auto-entrepreneur avec son propre plan de charge. Son quotidien se répartit pour le moment entre ces deux jours dédiés à la thèse, ses heures de cours au CFA et ses missions au sein de l’intercommunalité. Cette latitude tant dans la prise d’initiatives que dans l’organisation de son temps de travail a été définie bien en amont avec tous les partenaires. Des formations au sein des universités, ainsi que des temps de travail au sein du laboratoire, lui permettent également de rencontrer les communautés scientifiques et de prendre du recul par rapport au terrain. Quelques écueils à éviter cependant à l’arrivée dans les services : bien présenter son rôle auprès de tous les collaborateurs pour éviter de se voir accorder des tâches très éloignées des missions contractualisées.
Rapprocher la recherche de l'action en milieu rural
J’avais le souci de réaliser un travail appliqué de recherche-action. Il faut essayer de comprendre de l’intérieur ce que les praticiens vivent, pour analyser leurs différents besoins. Mais c’est aussi un moyen de défendre ma vision de la société en m’interrogeant sur “Où va la matière grise ? Qui s’en fait le relais ?"
Maxime fait ici état des relations assez faibles entre monde de la recherche et milieu rural (aucun laboratoire de recherche n’est installé en milieu rural en France). En cause, la mise en concurrence des établissements et la nécessité d’être de plus en plus compétitif à l’échelle internationale. Une situation parfois inconfortable qui peut produire une certaine solitude du chercheur dans son territoire. Mais prendre un doctorant CIFRE en étant une collectivité, c’est aussi pouvoir observer une montée en compétence des agents en interne. Le temps dégagé pour la recherche, pour lire, écrire et prendre du recul sur les pratiques, bénéficie en effet à l’ensemble des acteurs concernés : ce temps leur manque souvent. Le doctorant soutient l’importance de tisser des complicités avec les acteurs du territoire, ce qui demande d’être disponible et accessible. Aujourd’hui Maxime arrive à générer des proximités entre les apprenti·es, les entreprises locales et les élu·es, un travail de longue haleine débuté avant même le commencement de sa thèse.
Après la thèse ? Il y réfléchit déjà et pense continuité : il aime transmettre et souhaite poursuivre dans l’enseignement tout en ayant un pied dans l’opérationnel par la création d’une structure personnelle. Il souhaite également s’investir dans des structures d’aménagements territoriaux, liés aux questions de la recherche (agence d’urbanisme, aménageurs CAUE…). Le caractère professionnalisant de la CIFRE est de toute façon un gage de valorisation :
Je vais pouvoir me donner des méthodes de travail reproductibles dans d’autres contextes et offrir une méthodologie de gestion de projets inclusive, pour la gouvernance locale et une attractivité choisie, et non subie. Remettre en récit les territoires, en partant du cadre de vie concret et non idéalisé.
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Pour en savoir plus sur le travail de Maxime :
Projet cœur de bourg de Merdrignac : Étudiants et citoyens ont leur mot à dire
La Chèze : la commune veut embellir son étang et son château
Merdrignac. Les plans d’aménagement du cœur de bourg exposé
Pourquoi la maison de retraite du Quillio va avoir meilleure mine
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